Le masque africain dans l'art africain

Time 2021-10-27 17:09:18

Web Name: Le masque africain dans l'art africain

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LE MASQUE EN AFRIQUE

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- LE MASQUE DANS LA SCULPTURE AFRICAINE

Aucune socit humaine na ignor le masque et celui-ci surgit ds le moment o lhomme accde ltat de culture. De la Grce antique lAmrique ancienne en passant par lAsie et lOcanie, les masques ont symbolis les dieux, incarn la beaut et leffroi, exprim limmanence et lillusion mais aussi le calme, lordre et la srnit. Il en fut ainsi des Gorgones dont parle Hsiode, des masques dinitiation du Ploponse, des masques bugaku et n du Japon, des masques barong de Java, des masques des Eskirno et des Indiens dAmrique du Nord, des masques des Papou Orokolo de la Nouvelle-Guine.
En Afrique Noire, continent clbre depuis le dbut de ce sicle pour la richesse de son art, la sculpture des masques est une dominante majeure de lart plastique. Le masque peut ici tre considr comme un phnomne artistique caractris par son ubiquit et la diversit de ses formes et styles.

LE MASQUE SE RENCONTRE PARTOUT:

On rencontre le masque dans les savanes des pays Soudanais et des pays Bantou comme on le rencontre dans les forts du Golfe de Guine et de la cuvette Congolaise. Or, ces rgions recouvrent plusieurs types de civilisations: Les civilisations des clairires avec les Dan, le V et les Akan;
- Les civilisations des greniers avec les Dogon, les Snoufo;
Les civilisations des cits avec les Mandingues et les Yoruba.
Il sagit l aussi de socits qui peuvent tre patrilinaires ou matrilinaires, organises en Etat ou organises sur la simple base du village.
Ce qui frappe dans cette prsence du masque, cest son indiffrence aux variations dordre gographique ou culturel, dordre social ou politique. Il y a cependant des rgions privilgies dans cette distribution gographique et socio-culturelle des masques en Afrique.
- Le Soudan Occidental, et principalement les peuples de la boucle du Niger (Bambara, Dogon, Mossi, Bobo);
- Les rgions ctires depuis la Casamance jusqu lembouchure du Congo, en particulier les peuples du massif guino-librien, de la Cte-dIvoire, du Nigria, du Cameroun et du Gabon;
- Les contres au Sud et au Sud-Est du Congo (le Congo, le Zare, lAngola);
- Les hauts plateaux situs entre le lac Nyassa et lOcan Indien.
Une moindre importance des masques est atteste dans le Soudan Central, lOubangui Chari (lactuelle Rpublique Centrafricaine) et le Nord du Congo. Enfin, il semble que les socits politiques organises en Etats fortement centralises soient moins riches en masques que celles organises en chefferies et communauts villageoises.

Les Formes sont varies:

Les masques sont taills dans les matriaux les plus divers, mais avec une prpondrance manifeste du bois. Il y a une profusion des formes, mais trois tendances principales se dgagent de celles-ci.

Les masques forme animale ou masques zoomorphes:

Ils sont la figuration des caractres dominants des animaux reprsents, tels sont les masques Boli des Bambara qui figurent des lions, des hynes et des antilopes. Notons ici limportance des Tyi-Wara, masques antilopes qui conduisent les danses pendant les grands vnements. De mme, la danse masque dj des Gouro et des Baoul, est un vritable dploiement de masques zoomorphes o apparaissent ttes de chien, cabri, gazelle, buffle et lphant etc...

Les masques figure humaine ou masque anthropomorphes:

Ils reprsentent des hommes ou des femmes. Chez les Dogon, les masques humains incarnent les anciens, les prtres, les chasseurs et les sorciers. Il existe aussi chez les Mossi des masques figure fminine ct des masques figure masculine. Enfin, de nombreux masques anthropomorphes existent chez dautres peuples notamment chez les Dan et Gouro, o leurs traits sont finement cisels. Qui ne se souvient de la clbre Dje-La Lou-Zaouli, une des plus belles attractions des danses ivoiriennes!

Les masques anthropozoomorphes:

Ici sassocient traits animaux et traits humains, mais avec la prpondrance du visage humain. Le visage de lhomme est alors affect dune ornementation le plus souvent priphrique, compose dlments emprunts aux animaux (cornes, plumes, dents) et visant souligner les caractristiques fonctionnelles du masque. Ainsi en est-il des masques Zambl chez les Gouro. Quant aux masques W (cest--dire Gur et Wob) o cette ornementation est compose avec beaucoup de recherche, ils atteignent en ce domaine un haut degr dexpression symbolique.

LES TROIS ORIENTATIONS STYLISTIQUES

A travers les formes quils donnent la matire, les sculpteurs de masque sefforcent de rendre visible linvisible et dexprimer des ides. Lunion des lments naturels et des lments abstraits, des lments expressionnistes et des lments surralistes, sachve dans le surgissement dune entit tout fait nouvelle: le masque. Celui-ci avec une tte puissante, un oeil tincelant, des cornes de buffle, de blier ou dantilope, avec parfois une gueule de crocodile, doit dgager une impression de force et de puissance. Lquilibre statique, la symtrie et la frontalit doivent voquer la grandeur supraterrestre dont le masque est le sige.
Deux styles apparaissent trs nettement travers le fatras des formes: un style cubiste, o dominent les formes gomtriques, caractrise les masques des Dogon, Bambara, Bobo et W (Gur en particulier); un style naturaliste, o domine au contraire la reprsentation du rel visible, se retrouve dans les masques des Gouro, Baoul et peuples de la civilisation du Bnin.
Mais entre ces deux orientations existent des styles intermdiaires que lon rencontre chez les sculpteurs de masques Dan et Snoufo, pour ne citer que ces deux exemples.

LA PLACE DE LA COTE DIVOIRE DANS CETTE SCULPTURE.

En raison des aires gographiques et culturelles qui la composent et des changes divers que lhistoire y a permis, la Cte dIvoire occupe une place de choix dans la sculpture des masques africains.
En effet laire culturelle du Haut-Niger qui se confond en ce domaine avec celle de la Boucle du Niger, se prolonge en Cte dIvoire par la sculpture Snoufo et introduit dans ce pays certaines formes stylistiques des pays Bambara et Dogon. Tandis que laire culturelle de la Cte Ouest-Africaine et du bouclier forestier Guino-Librien, apporte en Cte dIvoire avec les Dan et les W, les constructions naturalistes et cubistes caractristiques de cette zone. Cette influence se dveloppe dOuest en Est, travers la Cte dIvoire, par les Gouro proches parents des Dan, et par les Niaboua, Bakou, Kroumen, Nyo, Bt et Godi, culturellement apparents aux W.
Enfin la sculpture des masques Baoul participe la fois des techniques artistiques de laire atlantique de lEst (Akan, Adja Yoruba) et des styles snoufo et gouro, procdant ainsi une synthse des conceptions de lOuest, de lEst et du Nord de notre sous-rgion dAfrique Occidentale. La position gographique centrale du peuplement baoul, accentu par son talement en longitude et son extension en latitude, apparat comme une approche dexplication de ces emprunts culturels.
Il en rsulte pour la Cte divoire une richesse culturelle imposante qui en fait, en Afrique occidentale au moins, une des rgions privilgies du masque.

LES FONCTIONS DU MASQUE

En apparence, et pour le profane, le masque est un phnomne artistique et technique qui peut signifier, travers lubiquit de cette sculpture en Afrique Noire, une unit dexpression artistique, un stade davancement technologique, une modalit de lexpression culturelle. William Fagg crit ce propos: cest par lart qui lui est propre que nous pouvons acqurir la vue la plus pntrante de la culture dun peuple, et en particulier des peuples africains. (Muse des Arts dcoratifs, 1964). Cest dire que les sculptures ont un rle de tmoins, sont rvlatrices de la civilisation dun peuple.
Si en Occident, lide de sculpture est dabord technique, dans la mesure o sculpter cest tailler avec le ciseau une figure, une image, dans la pierre, le bois, le marbre (Littr), en Afrique la sculpture renvoie au sculpteur, cest--dire la socit qui porte loeuvre et lartiste. Cest pourquoi Ola Balogun a pu crire: lun des principaux traits communs lensemble de lAfrique Noire, dans le domaine de la sculpture, est que les masques sculpts ne sont pas conus pour tre contempls comme oeuvres dart, mais pour tre utiliss loccasion de crmonies rituelles sociales ou religieuses. (Introduction la culture africaine, UNESCO, 10/18, p. 57).
En matire dart africain, la question-cl est toujours la question des fonctions. Il faut donc aller au del des apparences pour comprendre la sculpture des masques travers les fonctions qui lui sont assignes.

LES DOMAINES DINTERVENTION DU MASQUE

Le masque nest pas en ralit cette figure sculpte que lon a coutume de voir, il est un personnage, un tre qui reprsente la fois une divinit et une force de la socit humaine. Au moment o il le porte, son porteur est investi des attributs reconnus cette force divine et sociale.
Il en rsulte une varit des domaines dintervention du masque qui atteste de la varit de ses fonctions. Dgageons les quatre domaines les plus importants:

le domaine culturel

Le masque intervient dans les crmonies dinitiation, dans les rites lis la naissance et dans les crmonies funraires; il peut aussi diriger des rites dadoration. Dans ce domaine strictement religieux, les masques servent de protection contre les esprits malfiques mais jouent un rle dintermdiaires entre les dieux et les hommes.

Le domaine socio-politique

Le masque rgle en dernier recours les litiges, les problmes de la paix et de la guerre, ses dcisions sont alors irrvocables; au plan strictement politique les masques donnent des directives aux responsables politiques pour la gestion de la communaut; enfin ils assurent la scurit des villageois en organisant la police des villages; ce sont encore les masques qui se chargent de linformation en cas de besoin.

Le domaine conomique

Le masque joue un rle dans la vie conomique parce quil doit veiller au bon droulement des semailles et de la moisson, intervenir pour apaiser le courroux des dieux lors des calamits naturelles qui bouleversent les donnes de la vie agricole et menacent la survie de la communaut.

Le domaine ludique

Les rjouissances, les ftes et les jeux voient encore les masques apporter leur concours aux hommes par la danse, le chant, les courses masques.
Ces domaines dintervention correspondent donc aux fonctions sociales importantes joues par les masques. Mais chaque fonction ncessite un type de masque appropri et la hirarchie des fonctions appelle la hirarchie des masques.

Les types de masques

Les masques africains se diffrencient selon les domaines dutilisation et limportance des tches quils doivent assumer. Ces rles expliquent aussi les diffrences dans la forme: taille, figure, accoutrement, dmarche, etc...
Chez les Snoufo, par exemple, il y a deux grandes classes de masques sous le rapport de la forme et huit classes sous celui de lutilisation. Ainsi les masques dinitiation (poro) sont de grande taille et figure animale. Il sagit l de masques participant lducation et la formation des hommes, donc de masques ayant des fonctions positives. Au contraire, dautres masques sont destins aux techniques magiques agressives ou dfensives. Ces derniers sont de petite taille et ont une figure humaine.
Dans ltat actuel de nos connaissances, il est difficile de livrer une description prcise des masques snoufo selon leurs fonctions. La mme difficult existe du ct des Dan et des W, tant il est vrai que la science des masques en Afrique exige dautres types dapproches que celles du chercheur profane collectant de village en village des informations superficielles sur des institutions et des structures dont les lois sont strictement sotriques.
Chez les W et les Dan, pour nous en tenir encore la superficie des choses, les grands masques se distinguent des petits masques. Sont considrs comme grands masques ceux qui ont la fonction de commandement, lge et le savoir; tels sont les masques de sagesse, de justice, de guerre; ils ont un accoutrement spcial, une dmarche majestueuse et sortent intervalles variant entre 1, 2, ... 10 ou 20 ans.
En dessous se trouvent les masques mineurs eux-mmes trs hirarchiss; ceux-ci ont une fonction ludique trs affirme, et interviennent pendant les ftes et autres jours de rjouissance. Mais en rgle gnrale, les grands masques commandent aux petits, dcident de la sortie annuelle ou priodique de tous les masques, arrivent les derniers sur la scne les jours de crmonie, prcds videmment de leurs annonciateurs que sont les petits masques. Un protocole, en somme qui rappelle les grandes parades politiques de lAfrique ancienne et celles de lAfrique actuelle.
Cest dire que, dans la plupart des rgions, il y a plusieurs masques par village, en raison des fonctions diverses qui sont assignes aux masques, au regard des ncessits de la vie sociale. Ainsi dans le village de Diapl (village dan du Libria), ct du grand masque (Gorgl ou lopard) existent le masque de chaque quartier, les masques qui veillent sur les nouveaux circoncis, les masques gendarmes, le masque de distraction et le masque charg de linformation. En somme, une espce de gouvernement de la collectivit qui distribue les rles des ministres techniques sous la direction dun chef de gouvernement. Dans ce village compos de deux grands quartiers, six types de masques exercent six fonctions bien dtermines. Nous sommes loin de la tradition danarchie que lethnographie coloniale avait cru dceler, pour les besoins du colonialisme, dans les socits forestires de lAfrique Noire.

LA FONCTION FONDAMENTALE EST LE MAINTIEN DE LORDRE

La fonction la plus significative des masques est le maintien de lordre. Le masque est charg de maintenir lordre du monde, de la socit et des familles.
Le masque intervient en effet pour rgulariser lordre cosmique drang par les atteintes portes aux lois du monde. Surviennent des calamits naturelles et des catastrophes humaines, et les masques ordonnent des sacrifices pour rparer les effets des transgressions qui ont caus tous ces malheurs.
Ils doivent aussi veiller la rectitude des moeurs en maintenant le respect des interdits qui fondent la structure des familles et des villages. Enfin les masques de sagesse ou grands masques dcident en dernier ressort des affaires que la justice profane na pu rgler. Leur intervention dans les problmes de la guerre et de la paix vise aussi prserver lordre social.
Mais une question vient lesprit: pourquoi a-t-on eu besoin de recourir au masque pour assurer le maintien de lordre social?
Pour maintenir lordre dans la socit et dans le monde, les hommes ont eu besoin de lautorit des dieux, des esprits et des anctres. Les masques incarnent les dpositaires naturels et surnaturels de lautorit. Ils fonctionnent donc comme les rceptacles du sacr et par consquent comme les fondements de la loi, source de lordre et de la puissance. Ainsi la sacralisation de lautorit travers son investissement dans le masque, est-elle un moyen de lui assurer la lgitimit et la puissance.
Les masques apparaissent donc, en dernire analyse, comme des appareils idologiques de la socit traditionnelle africaine qui assurent la conservation de lordre naturel par la recherche des quilibres et la lutte contre lanarchie. Ils expriment ainsi la situation de socits qui nont pas cherch rompre la continuit primordiale entre le monde des hommes et celui des dieux, entre la nature et la surnature.

CONCLUSION DESTIN DES MASQUES DANS LAFRIQUE DAUJOURDHUI

Si les masques gardent encore leurs attributs antiques dans les civilisations de lAmrique indienne, de lOcanie et de lAfrique, ils semblent les avoir perdus en Europe et en Asie.
En effet, les masques ont connu en Europe comme en Asie une volution qui les a fait passer du sacr au profane, de la religion au thtre. Ds lpoque de Pricls le masque reprsentant de la divinit est dj aux prises avec la raison dans le thtre grec. Traits avec horreur dans la tragdie et tourns en drision dans la comdie, les masques et les dieux sont soumis au dur interrogatoire de la raison humaine.
Dans lOccident chrtien, le masque est rejet de la religion mais rapparat dans la fte, le carnaval et les manifestations grotesques. On le voit dans les manifestations populaires du temps de carme en Suisse, en Bavire et en Autriche. Le masque est devenu expression du diable, du mal que le carnaval essaie de diluer travers la grosse farce mystique. La crmonie masque est une crmonie du mal qui se dgrade en une ronde des vices. Ici, le masque autorise la transgression des interdits et le carnaval est alors une vaste illusion comique qui contraste avec les rituels pleins de grandeur des ftes masques africaines.
Une volution analogue quoique diffrente, sobserve en Asie o les masques sont de plus en plus associs aux jeux, au thtre et aux ftes. Ainsi les masques bugaku du Japon perdent leurs aspects rituels au profit de leurs aspects esthtiques; les masques N, chefs-doeuvre religieux des 14 et 15e sicles, animent des forces qui sont maintenant purges de toute rfrence rituelle.
Ainsi donc, avec le recul du sacr, le masque a t rduit sa fonction ludique et esthtique. Les masques africains sont-ils appels suivre cette volution constate ailleurs? La nouvelle conomie de march, lurbanisation rapide et gnrale qui dsagrge les campagnes, la nouvelle administration des collectivits rurales, bref tous les changements en cours ne sont-ils pas des menaces constantes qui psent sur la vie des masques?
Deux dangers apparaissent trs nettement lheure actuelle: lautodestruction et la destruction extrieure. Lautodestruction est cause par les commerants dart qui soumettent les paysans des pressions irrsistibles; par le comportement indlicat de certaines autorits administratives; par lindiffrence mme des intellectuels modernes aux ralits de la culture traditionnelle. La destruction extrieure est lie aux influences religieuses importes (Islam, Christianisme), labsence parfois regrettable dune politique culturelle susceptible de bloquer la fuite ltranger des structures matrielles de la civilisation des masques.
Au-del de la disparition des supports matriels de la vie des masques, il y a des dangers qui menacent les fonctions. Lon peut se demander, en effet, si les masques ont encore un rle jouer dans la socit daujourdhui, en particulier dans le rglement de certains conflits pour lesquels le droit moderne, hrit de loccident, parat compltement incomptent.
Il y a donc des raisons objectives pour une rsistance des masques africains en tant que forces sociales, mais le problme est de savoir comment sera articule lintgration des anciennes fonctions des masques la gamme des fonctions que la socit contemporaine est en train de dvelopper.

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